
Mais pourquoi personne me croit jamais ? j’en ai marre !
Essaie de dire la vérité et à mon avis, la situation devrait s’arranger, tu ne crois pas ?
Oh ça va la mère morale, tu dis la vérité toi ? tu as dit à papa que tu as rendez-vous avec ton amant tous les mardis après-midi à l’hôtel du coin ?
Je me ramasse une sacrée gifle qui me fait regarder direct derrière moi, oh là là ! qu’est ce qu’elle m’a mis !
Je ne te permets pas de me parler comme ça ! et puis, qu’est-ce que c’est que cette histoire que tu as encore inventée ? je ne trompe pas ton père !
Je pouvais pas faire autrement que de rire. Un rire un peu jaune car j’avais encore les picotements de la claque.
Ça t’étonnes que je le sache, tu t’y attendais pas hein ? pourtant tu devrais te rappeler que le mardi j’ai pas cours ; c’est pas bien malin de t’afficher comme ça, je sais pas moi, tu pourrais faire comme dans les films, mettre des lunettes, une perruque, te déguiser…
Bon ça suffit, je ne veux plus t’écouter, tu me fatigues !
Bien sûr, bien sûr, tu crois que tu vas t’en tirer comme ça maman !
J’étais maintenant hors de moi.
Mon ton l’a surpris, elle s’est laissée tomber sur une chaise de la cuisine, elle m’a regardé, elle semblait hésiter.
Tu sais, j’m’en fous, après tout, c’est pas mon problème, c’est pas mon mari ; non, ce qui m’ennuie c’est que tu me demandes d’être une personne franche alors que toi… toi…
Moi, je suis une garce, c’est ça ? vas-y, finis ta phrase, tu veux dire que ta mère est une garce ?
Et elle se met à pleurer. Le masque est tombé. Ça me réjouit pas au fond. Je m’assieds auprès d’elle et je la prends dans mes bras.
Pleure pas maman, je te juge pas, c’est vrai quoi, t’es pas la première ni la dernière qui fait ça, la mère de Charlotte aussi a un amant et je crois que son père a une maîtresse. Peut-être que papa a une maîtresse, ce serait bien en fait, vous seriez à égalité.
Elle m’a regardé, interloquée. Nous nous sommes mises franchement à rire.
Ne me juge pas trop vite ma chérie, je vais t’expliquer…
Oh non s’il te plaît, je veux pas savoir, tu fais comme tu veux, enfin si tu pouvais changer de mec, ce serait pas mal car c’est pas un top modèle celui-là.
Bah, Nathalie, ton père non plus c’est pas un top modèle.
Ok mais lui, c’est mon père, c’est différent, tu vas pas les mettre dans le même sac, je veux bien être compréhensive mais bon, n’exagère pas.
Sur ce, je lui lance un clin d’œil et je sors de la cuisine, l’air faussement offusqué ce qui la fait encore rire ; j’aime pas la voir triste alors si cette aventure la rend heureuse, c’est tout ce qui compte. Il faut savoir que mon père est parti lorsqu’elle était enceinte de moi pour réapparaître deux ans plus tard. Il lui a fait le grand jeu et comme elle était folle amoureuse de lui, elle a pardonné. C’est ma grand-mère qui me l’a dit mais ma mère sait pas que je suis au courant. Si ça devait tourner au vinaigre un de ces jours, je pourrais le ressortir. C’est peut-être pour ça que je protège ma mère, que je suis de son côté et puis elle est vachement sympa avec moi, c’est pas comme une copine mais ça y ressemble. Bref, tout va bien, la vie est agréable, enfin… était agréable jusqu’à ce que ma mère largue son amant, elle a dû culpabiliser ou quelque chose comme ça. Elle est devenue impatiente, soupe au lait, distraite, c’en était fini de nos discussions entre nanas, elle n’était plus réceptive à mes problèmes d’ado et je ne pouvais pas comprendre une femme de son âge me disait-elle. Les disputes devenaient quotidiennes, mon père se tenait à l’écart, il partait le matin, rentrait le soir, mettait les pieds sous la table, regardait la télé et allait se coucher. J’ai pris mes cliques et mes claques et je suis allée m’installer chez ma grand-mère ; pour le coup, ma mère a foutu mon père à la porte et elle est venue me chercher en me suppliant de pas l’abandonner. Elle avait largué son amant et elle allait divorcer. On a repris la vie toutes les deux. Trois mois plus tard, on a reçu une lettre des Antilles. Elle venait de mon père qui nous annonçait qu’il allait se remarier. Il voulait que je vienne à la noce. Ma mère m’a fait une scène, elle voulait pas que j’y aille : et si tu restes là-bas ?
Qu’est ce qu’il est devenu le gars avec qui tu sortais ? tu sais celui que je trouvais pas top ? mais si, celui que tu voyais le mardi ? eh bien rappelle-le. Me dis pas que t’as plus son numéro ? Si on faisait une surprise à papa tous les trois ? ça doit être vachement beau les Antilles !