Participation au challenge d’écriture de Marie Kléber.
Je vous invite à composer un texte à partir de la musique suivante. Comme pour toute première, je n’ajoute pas de contrainte supplémentaire. Amusez-vous bien!
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L’amour, toujours l’amour, encore l’amour. Mais tout est amour de toute façon et on y revient forcément toujours. Alors quand on est célibataire par choix et peut-être par flemme et manque de vouloir faire des concessions, eh bien, ça chiffonne un peu… Ça coince et donne un peu de nostalgie au fond et peut-être du vague à l’âme… Mais je me reprends vite et me concentre sur la beauté de la photo, bercée par la mélodie. L’anglais n’étant pas ma tasse de thé, j’ai jeté un œil pour savoir un peu ce qu’il racontait… sourires. Noir et blanc. Un film des années cinquante. Dernier plan : elle est sur le quai, les larmes aux yeux. Elle regarde le bateau qui quitte le port. Et emporte son amoureux… The end.
Je te quitte. Il n’avait dit que ces mots et avait raccroché. Six mois de ma vie venait d’être jetés comme ça, sans explication. J’avais essayé de l’appeler plusieurs fois mais il ne répondait jamais. J’avais laissé plusieurs messages vocaux. Sa seule réponse était le silence. J’étais allée chez lui. Personne. Durant une semaine, j’ai harcelé son répondeur et sa porte d’entrée. J’ai questionné ses amis. Ils ne savaient rien. Je ne connaissais pas sa famille qui vivait à l’étranger. Parti. Volatilisé. Les semaines et les mois passèrent, sans aucune nouvelle de lui.
La société pour laquelle je travaille venait d’être rachetée. J’ai été mutée dans une autre ville. Nous attendons un important client pour la réunion trimestrielle. Tout doit être parfait, nous n’avons pas droit à l’erreur. Après plusieurs heures de négociation, nous avons remporté le contrat. Cet après-midi là, un couple vient visiter une maison. Nous avons rendez-vous à l’adresse de la demeure. Je l’ai tout de suite reconnu. Les mois ont passé mais tout est frais dans ma mémoire. Ils ne sont pas intéressés. Nous nous séparons sur le parking. Je suis restée plusieurs minutes, assise dans ma voiture, à l’arrêt. J’ai ouvert leur dossier pour noter l’adresse. J’ai pris deux semaines de congés. Je me suis familiarisée avec leur rythme de vie. Sa femme ne travaillait pas, il partait tôt et rentrait tard. Ils ne sortaient pas le week-end. J’ai prolongé mon congé pour avoir un planning plus long de leurs habitudes. Un mois plus tard, j’ai provoqué un contact. Un matin, je me gare dans la même rue que lui et je marche à quelques mètres derrière, sur le même trottoir. Il rentre dans une boutique, j’attends en me dissimulant derrière la vitrine. Lorsqu’il sort, je me poste devant lui. Après un regard, il avance sur le trottoir sans se retourner. Je l’appelle mais il ne répond pas. Je cours après lui et je lui attrape le bras : tu pourrais me dire bonjour ! Mais je ne vous connais pas madame. Tu ne me connais pas, ah oui tu ne me connais pas ! Je crie, le visage tout près du sien. Vous êtes la femme de l’agence immobilière non ? qu’est-ce qui vous prend de vous énerver et de me tutoyer ? Alors, je lui crache toute ma rancune et mon chagrin. Il soutient qu’il ne me connaît pas et que je le confonds avec un autre. j’insiste, je parle des moments partagés, des souvenirs. Il se met en colère et me demande de le laisser tranquille mais je continue de crier, de pleurer. Ça suffit maintenant. Foutez-moi la paix. Je ne vous connais pas. Après avoir détaché chaque syllabe des derniers mots, il me lance un regard foudroyant et s’éloigne. Abasourdie, dévastée, je reste plantée en le regardant partir.
J’ai passé des jours à y réfléchir. Je voulais qu’il souffre. Lui aussi. Je sonne à la porte d’entrée. Elle me reconnaît : c’est très gentil à vous de vous déplacer, un coup de fil aurait suffi. Vous avez une autre maison à nous proposer ? Autour d’une tasse de café, je la mets au courant. Voulez-vous des gâteaux avec votre café ? je vais en chercher. Je reste étonnée de sa réaction. Quelques secondes plus tard, je sens un objet froid entre mes omoplates et une voix glaciale me dit : Je sais très bien qui vous êtes, une de ces pétasses dont mon mari est friand. Il n’a fait que ça pendant toutes ces années de mariage, coucher avec des petites connes. Ça m’a coûté cher de le faire suivre ! Je suis pétrifiée. Elle me tire par les cheveux, m’entraîne dans une pièce et me pousse sur le lit, l’arme braquée en direction de ma tête. Sa main fouille dans un tiroir sans me lâcher du regard. Puis elle me bâillonne, me ligote et m’enferme dans un placard. Je l’entends s’affairer, ses pas se rapprochent et s’éloignent, des objets sont tirés. Elle a mis très fort la musique. Je ne sais pas quelle heure il est lorsque la porte du placard s’ouvre. Je cligne des yeux à cause de la lumière. Ils me regardent tous les deux. Il s’approche de moi et enlève le scotch collé sur ma bouche. Fais attention Dimitri, elle a un révolver, elle sait tout ! Il y a un malentendu, je ne suis pas Dimitri. Pourquoi êtes-vous venue la menacer avec une arme ? Je bredouille que je n’ai rien fait. Je vais appeler la police madame. Mais je n’ai rien fait ! c’est elle qui m’a menacé avec ce révolver, c’est elle ! vous êtes fous tous les deux, laissez-moi partir ! Il me fait sortir et m’emmène dans le salon. Il prend un album photos, l’ouvre à une page et me le tend. En tremblant, je regarde les photos : Dimitri est mon frère jumeau, c’est un dragueur, il ne peut pas s’en empêcher, il les lui faut toutes. Son mariage n’a rien changé. En plus, il a épousé la femme de ma vie. En disant ces mots, il s’approche de la femme et lui prend la main : je ne sais pas ce qu’il vous a promis et je m’en fiche mais s’il y a une victime ici, c’est elle. Je m’effondre en boule sur le sol : il m’a appelé pour me dire qu’il me quittait… je ne savais pas qu’il avait un frère jumeau. Vous n’êtes pas la première ni la dernière à qui il fait ça. Il est où maintenant ? Je n’en sais rien, sûrement dans un autre pays. Elle, elle reste muette et elle me fixe. Mais alors vous êtes toujours mariée avec lui ? On s’en fiche, c’est ma femme, mariée ou pas. Mais c’est votre frère ! C’était ! il la regarde. J’ai retrouvé sa trace en France. Je savais qu’il voyait encore une femme. Encore une. Et que ça serait toujours comme ça. Ça devait finir. Il la regarde. Je lui ai dit de vous appeler. Il a pleuré. Il vous aimait vous savez. Elle rit. Je pleure. Il la regarde. Et je l’ai tué avec ce révolver, cette ordure ! En un bond, il attrape le révolver et lui tire une balle en pleine tête et une autre en plein cœur. il retourne l’arme contre lui, le canon dans la bouche. Sans le talent de mon avocat, j’aurais pris perpète.
Qu’il est bon De paresser Tout son soûl Tel le lézard Au soleil Sur un rocher Ma bien-aimée Qui sommeille Les cheveux épars Le corps en houle Quelle félicité Dans l’abandon.
Dès que je t’ai vu, mon cœur a fait boum boum et la petite voix m’a dit : tu vois cette fille, regarde-là bien car c’est la femme de ta vie. Alors, maladroitement, je suis venu vers toi et je t’ai dit, dans un semi-vertige et avec un sourire gêné : bonjour… euh bonsoir… excusez-moi de vous aborder comme ça alors que vous êtes tranquille avec votre livre mais en vous voyant, eh bien… mon cœur a fait boum boum et…et…je sais que vous êtes la femme de ma vie. Et je me souviens encore exactement de ce que tu as fait, de ce que tu as dis, je m’en souviens comme si c’était hier. Tu m’as regardé de la tête aux pieds, l’air très sérieux et tu as éclaté de rire en disant super fort : alors celle-là on me l’a encore jamais faite ! Évidemment, les gens qui étaient autour de nous se sont retournés et je ne savais plus où me mettre, je me sentais ridicule mais j’ai quand même eu la force d’articuler, en me penchant un peu vers ta table : non mais je ne plaisante pas, c’est vraiment très sérieux. Tu as croisé les bras, tes yeux ont plongé dans les miens, tu as regardé à droite, à gauche puis l’horizon au-dessus de ma tête et enfin tu as tourné la tête pour voir l’intérieur du bar : ah bon ? c’est vrai que vous avez l’air sincère…mais ça vous arrive souvent ? J’ai montré du doigt la chaise en face de toi et tu as fait oui de la tête. Je sais que ça peut paraître nul, vous devez penser que je suis un dragueur alors que pas du tout, je ne sais pas draguer… Je me suis arrêté de parler pour te regarder et tu me regardais aussi, tu étais même plutôt attentive. Ça m’a encouragé. Dès que je vous ai vu, j’ai vraiment senti mon cœur qui… A fait boum boum. Tu souriais en le disant, tu te foutais un peu de moi. Oui, il a fait ça, je vous assure que c’est vrai et j’ai entendu une petite voix qui me disait… Quelle voix ? vous êtes combien là-dedans ? Tu riais, la tête en arrière, les mains sur la bouche. Je vois bien que vous vous moquez de moi mais je suis sincère, il faut me croire, je n’ai jamais ressenti ça pour une autre… Je t’ai regardé te lever, tu avais un immense sourire sur les lèvres. Je me suis retourné et je t’ai vu courir au devant de lui. Lui qui t’a pris la bouche fougueusement. Vous vous êtes enlacés et vous vous êtes fondus parmi les passants. Ça fait cinq ans. Je ne t’ai jamais revu et je ne sais même pas si tu m’as vu ce jour-là. Lorsque ton souvenir vient me faire mal, je t’écris une lettre que tu ne liras jamais. Je te fais vivre sur mon papier et je t’embrasse avant de te mettre en boule direction la corbeille.