Garde rapprochée

De branche en branche, le vert à tous les étages…
de couleurs, de formes et d'émotions
De branche en branche, le vert à tous les étages…
Une famille avec six enfants, un chat, un chien, sans oublier Obélix, le bus dans lequel tout ce petit monde vit. Il y en a pour tous les goûts : de la mécanique, des conseils sur le potager, des astuces en tout genre, on voit du pays à travers leurs portables… Des rires, des émotions, des paysages, des rencontres, des moments simples conviviaux. J’ai commencé par jeter un œil et j’attends maintenant chaque vidéo. Une leçon d’humanité…
Lien de leur chaîne également sur la photo.
Challenge Écriture 2020 – #15 (22.04.2020)
Je vous propose d’écrire une lettre – destinée à être postée ou pas – et qui révèle un secret. Hâte de vous lire!
***
En passant devant la table de la cuisine, Nadine voit une feuille pliée, entre les tasses de café et les miettes de brioche. Elle est un peu déchirée et tachée. Elle est curieuse et aimerait bien savoir ce que c’est mais elle se dit que ce ne serait pas bien de lire. Au même moment, la porte d’entrée s’ouvre et instinctivement, elle met le papier dans sa poche. Sa mère entre en trombe et s’arrête en voyant sa fille. L’adolescente et elle se regardent. Cette dernière est visiblement tourmentée. Elle devrait être au travail à cette heure-ci.
« Nadine, tu n’as rien vu sur la table ? »
« Quoi maman ? »
« J’ai laissé tomber un papier en cherchant mes clés tout à l’heure. Enfin, je crois. »
Nadine observe sa mère qui semble nerveuse.
« Non, j’ai rien vu. C’est important ? ».
Évasivement, elle lui répond : « C’est pour le travail… Bon, je repars, je suis déjà en retard. »
Et elle tourne les talons sans un regard.
Nadine plonge la main dans sa poche et froisse le bout de papier entre ses doigts. Puisque personne ne sait qu’elle l’a, elle pourrait jeter un œil et le dissimuler ensuite sous le réfrigérateur, ou le meuble de l’évier.
La maison est vide. Son petit frère est à la crèche depuis longtemps, son père l’a déposé en partant, lui aussi, travailler. Elle a encore deux heures devant elle avant le début du premier cours et le collège est tout près.
Après avoir jeté un regard par la fenêtre, elle se ressert un verre de jus de fruits et s’assied. Elle sort la feuille et la pose en face d’elle. Un peu honteuse de fouiner, elle la déplie et voit un dessin. Plutôt un plan et des mesures un peu partout. Un bâtiment avec plein de fenêtres, de portes, d’ouvertures diverses.
« C’est quoi ce truc ? Pour son travail ? Elle est sur un projet de construction ? ». C’est possible, sa mère est architecte. Elle aurait dû lui donner tout à l’heure, pourquoi l’a-t-elle caché, c’est idiot. Elle décide de l’appeler. Elle se lève pour aller chercher son portable et sa manche renverse le verre, à moitié plein, sur le papier.
« Merde ! ». Elle se précipite pour attraper une serviette et éponger au mieux le liquide et tout à coup, elle voit apparaître, par dessus les chiffres, sur les traits des portes et des fenêtres, des mots. L’écriture est plus claire mais lisible. Tout à fait lisible. Elle prend la lettre avec ses deux mains et l’approche de ses yeux pour bien voir les phrases :
« Je t’attendrai aussi longtemps qu’il faudra… Si tu voyais comme le Mexique est super… Je t’aime si fort… Mon frère est peut-être riche mais c’est moi le père… Je suis sûr que tu m’aimes toujours… Souviens-toi de tous nos moments passés… Tu ne peux pas l’aimer plus que moi… Nadine devra bien le savoir un jour… Tout le monde doit connaître ses vrais parents… Tu sais bien toi pourquoi je suis parti si loin… Hervé t’a épousé sans savoir… Ma fille me ressemble pourtant… »
Nadine ne pouvait plus lire. Elle tremblait tellement que les mots sautaient et elle n’arrivait plus à déchiffrer mais elle avait compris. Son père, Hervé, n’est pas son père. William, le frère d’Hervé n’est pas son oncle mais son père.
Douze ans. Douze ans qu’elle vit avec sa mère et son oncle.
Mais pourquoi sa mère était avec son oncle avant ? Enfin, son père ? Et pourquoi elle a épousé son père ? Enfin, son oncle ?
Dix fois, Nadine a relu les phrases pour être sûre d’avoir compris. Aucun doute, elle a même vu une signature : William.
Le ciel lui est tombé sur la tête.
Elle déchire le papier. Elle en fait des confettis. Elle met le tout dans la serviette en papier et jette dans la poubelle.
Elle doit d’abord réfléchir avant de décider.
Ma chère fille,
Cela fait très longtemps qu’on ne s’est pas vus et je tiens à te demander pardon pour mon attitude. J’ai mal agi en te mettant à la porte de la maison, ce jour où tu m’as présenté ton amoureux, enfin je veux dire ton amoureuse (tu vois, j’ai encore du mal à m’y faire, deux ans après). J’ai eu le temps de la réflexion et je m’en veux terriblement. Bien sûr, ta mère n’a pas arrêté de me parler de mon erreur mais c’est moi seul qui ai pris la décision de cette lettre. Aussi, je te demande, de tout mon cœur, de me pardonner et je souhaite faire aussi des excuses à Natacha. Venez toutes les deux quand vous voulez.
Ton papa qui t’aime.
Papa,
Merci pour tes excuses bien tardives et que jamais, je n’aurai pensé recevoir un jour. Natacha et moi, c’est fini mais tu n’y es pour rien. Maman ne le sait pas encore d’ailleurs. Elle s’est mariée. Avec un homme. Moi aussi, j’aimerais pouvoir me marier un jour. Quand j’aurai trouvé le grand amour. Le vrai. Mais ce sera avec une femme, je préfère te prévenir tout de suite. Pour l’instant, je vis seule, ceci dit, je ne désespère pas.
Pendant deux ans, tu m’as ignoré, maman me disait dans l’état de colère où tu étais. Tu m’as jugé, moi ta fille, comme si j’avais commis un crime. J’ai des voisins, un couple de jeunes, qui viennent de se marier et la mariée avait ses parents à la noce : sa mère, sa belle-mère (pas la femme de son père, non, la femme de sa mère, elle a quitté son père pour partir avec une femme. Tu vois, ça peut arriver aussi chez les autres).
Je viendrais le week-end prochain si tu veux.
Je vous embrasse, maman et toi.
Ps : je te pardonne papa. Et puis, on doit reformer une famille. On le doit à maman. Tant qu’elle est encore avec nous. On lui a fait tant de mal et c’est peut-être à cause de nous… elle ne me l’a pas dit mais j’ai trouvé des ordonnances.
Il pleut dehors et, dedans, la maison est une passoire. Mon mari pensait pourtant avoir fait une bonne affaire. Nous sommes installés depuis un mois seulement dans ce patelin paumé.
Mon mari et moi sommes respectivement peintre et écrivain, il fait des gribouillis abstraits qui se vendent assez bien et mes bouquins, sans être des best-sellers, plaisent aussi. Notre vie est somme toute agréable hormis cette mauvaise acquisition immobilière. Nous avons deux adolescents plutôt sympathiques qui, sans faire trop d’efforts, arrivent à se maintenir à un niveau scolaire correct. Ces quelques lignes pour planter le décor. Donc, à première vue, notre vie se déroule sous de bons auspices. Jusqu’à ce jour fatidique…
C’est arrivé un matin très tôt dans notre existence. C’est incroyable comme quelques mots peuvent changer le cours des choses. Un simple papier blanc format A5 : vous avez sept jours pour quitter les lieux.
Nous nous sommes concertés en famille, nous sommes allés au commissariat le jour même. La journée s’est passée dans l’inquiétude.
Vous avez six jours pour quitter les lieux fut la nouvelle missive dans la boîte aux lettres. Nous sommes retournés au commissariat qui, après inspection auprès du service postal, n’a rien découvert. Effervescence dans nos esprits, enquête de voisinage mais aucune information.
Le troisième jour, j’attends de pied ferme le facteur. Lorsqu’il apparaît, je sors pour vérifier le courrier qu’il apporte mais pas de lettre.
Le quatrième jour, je fais de même et toujours rien. J’en déduis que c’était une mauvaise plaisanterie et j’estime que l’affaire est close.
Le lendemain, j’ai rendez-vous chez mon éditeur pour mon prochain livre. J’emmène mes enfants à l’école avant de partir pour Paris en leur disant que ma mère viendra les chercher à midi. De son côté, mon mari s’est absenté trois jours pour une exposition picturale à Madrid.
À treize heures, je reçois un appel de ma fille aînée : maman, il y a une lettre qui dit qu’il nous reste trois jours pour partir de la maison. Je quitte Paris et je retourne au commissariat. L’accueil est assez décevant, tout ceci leur paraît n’être qu’une farce.
Si j’en crois l’écrit, après trois jours, qu’adviendra-t-il ? je ne peux pas déménager tous les effets en si peu de temps et je ne dois pas succomber à la terreur mais j’ai peur bien entendu. J’ai très peur. Je prends contact avec mon mari et après une heure de discussion, il m’a convaincu de partir. Je le supplie de revenir mais une commande importante le retient en Espagne.
Je pars, avec mes enfants, chez mes parents qui habitent un village proche. J’ai aussi fait venir des déménageurs pour mettre à l’abri un maximum de nos biens.
Le second jour, je rode autour de ma maison mais aucun signe de changement. Bien qu’étant fébrile, j’ouvre la boîte aux lettres et au fond brille un morceau clair : plus que deux jours.
Je retourne vite vers ma voiture et je démarre. Je n’ai pu dormir de la nuit.
Le lendemain, je reçois un appel de la société de déménagement pour m’avertir qu’un des employés a oublié des affaires personnelles et qu’il doit revenir au plus vite les chercher. Nous fixons un rendez-vous sur place.
La peur au ventre, j’ouvre la boîte aux lettres et sous plusieurs prospectus, une feuille avec la phrase : c’est le dernier jour.
Cette nuit-là, n’y tenant plus, j’appelle chez moi. Après plusieurs sonneries, comme j’allais raccrocher, un déclic se fait à l’autre bout. Mon cœur bondit en synchrone.
Qui êtes-vous ? demandai-je, le souffle court.
C’est ma maison, vous me l’avez volé !
Mais non, je suis chez moi ! Qui êtes-vous ?
C’est ma maison, elle est à moi ! et l’homme raccroche.
J’appelle de suite la police qui envoie une voiture là-bas. Je laisse un message sur le portable de mon mari.
Une heure après, le commissariat me rappelle. Personne n’a été trouvé malgré une recherche approfondie des parages et de la maison. Seule la porte du garage a été fracturée.
Le jour dit, je me réveille très tôt, avec cette histoire à l’esprit : c’est aujourd’hui !
J’appelle toutes les heures le commissariat. Au bout de la troisième fois, on me répond : ne vous inquiétez pas, des hommes sont sur place, nous vous tiendrons informée.
Mon mari me prévient qu’il rentrera demain. À vingt-deux heures, le commissariat me contacte. Toujours rien à signaler.
Le lendemain midi, des policiers arrivent chez mes parents pour m’annoncer la mort de mon mari. Un passant l’a vu ce matin garer sa voiture dans le jardin et se faire attaquer par un homme. Une enquête est ouverte.
Quelques jours plus tard, les policiers reviennent. ils ont arrêté le meurtrier. L’ancien propriétaire de notre maison, saisie pour endettement.